Mode sombre

Voici l'édito de la version papier qui s'est arrachée comme des sacs à main.

Dans une interview publié dans Le Vent se Lève, Vincent Ortiz taxait Front Populaire de (je cite et je m’excite) « revue confusionniste ». Il s’entretenait avec Georges Kuzmanovic qui contribue de temps à autre au trimestriel de Michel Onfray. Si le fait de ne pas avoir une ligne éditoriale aussi rectiligne qu’un pavé stalinien autorise à qualifier un journal de confusionniste, si la confrontation de points de vue divers et même opposés, c’est à dire un débat, voue une publication aux gémonies confusionnistes, alors Libres Commères est effectivement confusionniste. Mais comme le complotisme, le terme est devenu l’arme fatale et le label à tout faire de la paresse intellectuelle à laquelle nous nous efforçons d’échapper dans ces colonnes.

La confrontation des pensées contradictoires nourries au pragmatisme nous délivre du confort de la bien-pensance et nous oblige à dépasser le blocage pour aboutir, non pas au consensus résiduel, mais à un ailleurs dialectique. L’idée n’est pas de tous se mettre d’accord mais d’envisager des points de vue nouveaux et des éléments qui font évoluer le débat.

Dessiner des perspectives, c’est pratiquer la critique sur des croyances qui ne tiennent plus la route, c’est contrer les positions idéologiques qui ne sont plus valides mais qu’on continue à entendre partout. Notre ambition n’est pas de reprendre des arguments bouche-trou ou passe-partout véhiculés par la plupart des médias mais de développer une réflexion paradoxale, au-delà de la doxa, cette somme d’idées reçues et ancrées en nous qui nous empêchent de penser autrement alors que justement ça urge de faire entendre un autre son de cloche ailleurs que dans les impasses où chacun sort son couteau pour égorger l’adversaire. Profiteurs sans scrupules d’un côté, utopistes sans discernement de l’autre. Escrocs cyniques contre ayatollahs en croisade. Mensonges éculés contre doctrines inapplicables.

Nous ne voulons la peau ni de Jean-Marie Sermier ni de Roger Rabbit. L’élu jurassien réclame à l’Assemblée nationale un moratoire sur l’implantation d’éoliennes par mesure de précaution pour des risques de santé : on ne va pas sortir tout de suite la trancheuse à jambon. La question des mâts éoliens, ça ne se traite pas à coups de pioche et de phrases assassines. Certes, l’intervention du député n’est sûrement pas désintéressée, on connait suffisamment l’animal. Mais sur les affaires d’énergie, questions ô combien techniques et sensibles, Libres Commères aimerait justement ne pas verser dans la polémique inutile. Pas de posture médiatique, pas de positions indéfendables mais les mains dans le cambouis et des avis en germination. Je trouverai d’autres occasions de tacler notre ami en cravate : il m’en offre suffisamment. Pas des cravates, des occasions!

L’intérêt ne vient pas uniquement de notre cercle de pensée et sortir de notre zone de confort ne peut que nous faire du bien. Je dis nous parce que je me mets dans le lot. L’éolien fait partie des chantiers que la rédaction a envie de lancer. On cherche les experts et on vous tient au jus.

Libres Commères garde également un oeil attentif sur toutes les initiatives locales : les vôtres… que vous pouvez présenter ici même. Vos tranches de vie brutes, vos opinions pas toujours dégrossies, vos découvertes et vos envies de partage et de déconnade.

On en a tous ras le bol de la corruption et de l’incompétence, des gorets capitalistes et des énarques qui leur servent la soupe. L’équipe va donc continuer à leur en mettre plein la gueule dès que l’inspiration lui viendra sans oublier non plus de tracer des pistes vers un horizon un peu moins sombre que celui des masques, des vaccins, des tonfas  et des lacrymos.

Pour finir, un point sur lequel Libres Commères tient tout particulièrement à ne pas être estampillé confusionniste et qui nous permettra de renvoyer la balle à ceux qui se tromperaient de cible. Comme Georges Kuzmanovic ou Gérard Noiriel pour ne citer que ceux qui sont dans l’actualité de mes lectures, nous pensons ici qu’il y a une hiérarchie des combats même si on voudrait n’en ignorer aucun. On accorde d’ailleurs de la place dans Libres Commères à la lutte contre toutes les discriminations. 

Cependant je pense que les causes qui priment sont celles qui ont un impact sur tout le monde : l’écologie et la lutte des classes, le climat et la répartition des richesses. Notre adversaire n°1 est donc le productivisme-consumérisme capitaliste que défend sans faiblir Jean-Marie Sermier que je n’aurai donc pas épargné longtemps. 

Le pire des confusionnismes, c’est sans doute celui qui consiste à brouiller les pistes qui permettraient d’y voir clair. Les médias et les réseaux sociaux nous enfument à loisir avec tous les débats sociétaux qui ont leur importance mais ne doivent pas non plus envahir la scène politique. Il faut expliquer encore et encore comment les rentiers néolibéraux, réactionnaires ou conservateurs pillent la planète, exploitent nos savoir-faire et détournent nos colères. Il faut montrer comment l’État sert la finance. Il faut arriver à rassembler les gens qui ne veulent plus de ce système à l’agonie pour arriver à la masse critique qui fera basculer le rapport de forces en notre faveur. Sans se disperser, sans essayer d’être partout. Et pour donner envie aux gens de retrouver leur pouvoir, rien de tel qu’un peu d’espoir, des idées neuves et des perspectives de changement. 

On n’a qu’une vie et on va tout de même pas laisser cette bande de néo-capitalistes totalitaires masqués nous la gâcher éternellement. Leurs jours sont comptés, notre vie est ailleurs. Ici mais autrement.

 


Partage :




Licence Creative Commons Article mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.



À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

Retrouvez tous les articles de Christophe Martin