Mode sombre

Nous en sommes arrivés au point où des néo-nazis défilent en rang dans les rues, looks paramilitaires et drapeaux assortis. Tranquilles, pépouzes… Heureusement que les castors cocus ont fait barrage avec leurs bulletins de vote !

Pour qui a deux ronds de culture historique et politique, il est évident qu’on ne peut pas compter sur la bourgeoisie pour contrer l’extrême-droite, car elle est son assurance-vie. Comme le dirait Lordon : on ne connaît pas d’ennemi au capital à droite. Et on rappellera utilement qu’il y a un peu moins d’un siècle déjà, la bourgeoisie clamait : plutôt Hitler que le Front populaire.

Pour la bourgeoisie, c’est du win-win : soit l’extrême-droite lui permet de faire voter le peuple de gauche pour ses fondés de pouvoir, soit l’extrême-droite prend le pouvoir et ne fera que défendre encore plus brutalement ses intérêts face à la gauche contestataire.

Et l’État étant désormais presque totalement colonisé par la bourgeoisie et ses affidés, on ne peut évidemment pas compter sur lui non plus. Autre rappel utile : on a quand même le [ms]inistre de la police en exercice qui « combat » l’extrême-droite en lui disant qu’elle est trop molle sur ses fondamentaux.

On appréciera également le contraste entre la férocité de l’État contre les mouvements sociaux et écologiques qui luttent pour la démocratie, l’intérêt général et le bien commun, et sa tolérance bienveillante vis-à-vis des défilés de proto-milices néo-nazies qui n’aspirent qu’à une « guerre raciale bien sale » (comme on dit sur certains réseaux sociaux policiers).

De leur côté, les médias bourgeois font mine de s’étonner de la dédiabolisation de l’extrême-droite alors qu’ils y participent activement : émission sur la saga du clan Le Pen, reportage sur les mignons petits chats de Marine, matraquage confusionniste permanent sur la gauche taxée d’anti-républicanisme et sur les « zextrêmes-qui-se-rejoignent »… (Précision : ils ne font pas allusion à l’extrême-centre, mais à la gauche radicale prétendument extrême, hein ! Sinon on ne pourrait qu’être d’accord avec eux…)

Depuis au moins vingt ans, les idées et propositions de l’extrême-droite ne cessent de progresser : dans les médias, dans les lois, dans les actes de l’exécutif, dans les cervelles, alors même que ladite extrême-droite n’a jamais officiellement conquis le pouvoir… À droite, la fenêtre d’Overton a été remplacée par une grande baie vitrée.

On pouvait à la limite comprendre la logique du « barrage républicain » au soir du 21 avril 2002, alors qu’un Le Pen se retrouvait pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle. Mais dès après sa victoire soviétoïde (82 % !), la phrase de Chirac aurait dû être considérée comme prophétique : « Maintenant y a plus de raison de s’emmerder ! ». Et en effet, maintenant la droite ne s’emmerde plus et chie ouvertement sur les castors (sauf pendant l’entre-deux-tours où l’extrême-droite redevient un péril mortel et la gauche est parée de toutes les vertus républicaines) : « Vous avez voté pour moi, maintenant je fais ce que je veux ! »

L’actuel Naboléon Bonarien a été « plébiscité » au second tour avec 58 % des suffrages exprimés, soit 38 % des inscrits ; sans les 3 à 7 millions de castors (selon les sondages), ses scores auraient été abaissés d’au moins 5 points, et sa légitimité d’autant.

« Oui, mais si le RN était passé ? » Alors il aurait eu moins de pouvoir et de légitimité qu’en 2027. Parce que, entre-temps, l’extrême-centre soi-disant démocrate et républicain aura encore garni l’arsenal répressif contre les opposants politiques et créé des précédents factuels : atteintes aux libertés fondamentales, détournement de procédures constitutionnelles et législatives, cornérisation du parlement, arrestations arbitraires, répression violente, corruption assumée, mensonges éhontés, dévoiement de la police et des mesures anti-terroristes, démagogie raciste et xénophobe, culte du chef… Le RN aura beau jeu de se draper dans l’indignation de voir qualifiées de fascistes des pratiques qui avaient déjà cours sous le règne du soi-disant dernier rempart contre… le fascisme.

Alors amis castors… Prêts à faire barrage à l’extrême-droite ? Pour de vrai cette fois, pas avec du papier et des postures indignées sans conséquences… Parce que là, il est plus que grand temps de nous y mettre tous ensemble pour de bon !

Et si vous ne vous sentez pas d’aller vous (faire) bastonner dans la rue avec des brutes complètement tarées qui ne rêvent que de guerre civile, faites le nécessaire pour que les fumées toxiques du confusionnisme se dissipent dans les esprits, et pour que ce soit la gauche, ses valeurs et ses idées qui prennent le pouvoir dans les institutions, dans les cœurs et dans les têtes. Soyez lucides. Soyez conséquents.


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À propos de l'auteur(e) :

Uhm

Noir comme la liberté des anarchistes. Rouge comme l’égalité des communistes. Vert comme la fraternité des humanistes. Énervé comme un homme de gauche dans un monde ravagé par le capitalisme. Misanthrope de désespoir.


Un humaniste misanthrope

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