Mode sombre

Libres Commères avaient des oreilles au Château de Grévy à Mont-sous-Vaudrey pour ces deux journées qui ont fait couler beaucoup de jets de salive début juin. Par la voix de Jean-François Louvrier interviewé par le Progrès, l’Ordre des Médecins a rappelé les règles élémentaires d’un protocole scientifique en médecine, le principe de l’essai en double aveugle par des sociétés indépendantes (une institution indépendante serait encore plus satisfaisant), d’excellents principes qu’on aimerait voir appliquer par les grands labos américains. Symbole de la bienveillance qui a régné sur ces rencontres, Louis Fouché a remercié le préfet du Jura pour avoir permis ces rencontres. Il y aurait eu un coup de tonnerre à cette occasion. Pure coïncidence ou signe des dieux? La sollicitude du fonctionnaire de la République a été jusqu’à fournir « un service de sécurité à l'entrée qui fouillait nos sacs, des gens d'armes à l'intérieur et un RG évidemment ! » En fait, rien de plus normal: si les congressistes (7000 selon notre source qui a adoré cette «  parenthèse merveilleuse pleine de bienveillance avec des intervenants de grande qualité, une organisation au top et des participants joyeux, ouverts et attentifs », 5000 selon une autre source tout aussi favorable au congrès, 9000 selon le domaine Arc-en-Ciel qui vendait les tickets), bref plusieurs milliers de personnes sont venues de tous les coins de France avec des intentions pacifiques, un terroriste mal avisé aurait pu se glisser dans le public et alors adieu, la médecine douce et la bienveillance, et bonjour la chirurgie de guerre au bloc des urgences de Minjoz! Mais il faut reconnaitre que Kévin Lomberget, le directeur de l’école de naturopathie et l’organisateur en chef de ce 4ème Congrès de « médecine intégrative », a bien goupillé son affaire. Il aurait sans doute pu donner des entrées gratuites aux commerçants qui, en bons commerçants, ont grogné contre le parking sauvage et le manque à gagner dès qu’on leur a demandé leur avis sur l’évènement. Les accusations de sectarisme ont fusé et il est vrai qu’avec des entrées entre 40 et 100 euros, il n’était pas facile de se faire une idée sans casquer: c’est un peu comme aller à un concert de Kiss à 52 euros pour découvrir s’il joue du reggae ou du pipeau. Cela dit, un tel congrès ne devrait pas faire l’objet d’un discrédit a priori: c’est comme un festival, il y a sans doute du bon et du moins bon, à prendre et à laisser. La médecine intégrative elle-même a beaucoup apporté à la médecine institutionnelle. Les bienfaits du yoga, de l’hypnothérapie, de la méditation ou encore de la danse pour soulager les maux liés au traitement du cancer par exemple ont été reconnus dans des études à caractère scientifique. Mais les médecines alternatives vont plus loin. Je ne vais pas relancer ici la bataille de l’homéopathie: je tiens à mon couple. Comme les pédagogies alternatives qui refusent totalement la tutelle de l’Éducation nationale et opèrent donc hors contrat, certaines pratiques thérapeutiques entendent remplacer la médecine officielle. Ce sont parfois des techniques ancestrales, chinoises, russes ou indiennes, tout à fait respectables et il serait sectaire de les rejeter sans un examen minutieux. L’acupuncture a ainsi acquis ses lettres de scientificité. Mais, de la même manière, sur un registre différents, je ne suis pas pour la prolifération des ZAD. Les expérimentations sont intéressantes et il ne faut surtout pas qu’un État trop jacobin les interdisent mais elles doivent être partagées à une grande échelle, sans doute nationale, pour éviter le communautarisme. Il faut bien évidemment définir la base commune et on ne peut le faire que dans le cadre d’échanges intenses et de débats méthodologiques dignes de ce nom. Je regrette d’ailleurs que les organisateurs du congrès n’aient pas laissé entrer la journaliste du Progrès: le canard avait donné la parole aux détracteurs mais également à Kévin Lomberget dans un article du 2 avril. On peut sans doute lui reprocher d’avoir un peu trop insisté sur les problème de stationnement. Le refus de laisser entrer la presse n’appelle pas au dialogue, ce qui est contraire à l’attitude que recommande Louis Fouché dont l’appétit de questionnement est tout à fait louable, tout autant que sa manière apaisée d’aborder les problèmes: empêcher ce toubib de travailler est, à mon avis, une grave erreur. Ce sont au final ceux qui closent unilatéralement le débat qui ont tort. Le Progrès ne méritait pas de rester dehors, d’autant qu’il s’est, d’après nos oreilles, dit des choses intéressantes, propres à nourrir un débat qui nous manque cruellement en matière de médecine depuis l’épidémie de Covid-19, en matière de médecine et de pas mal d’autres domaines d’ailleurs.

Christophe Martin


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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