Mode sombre

Bon voilà, je viens de passer quelques heures avec le petit (gros) dernier de Fred Vargas, « Sur la Dalle » et je dois dire que je ne reste pas sur ma faim. Il faut dire qu'on y bouffe, on y boit, et en détails, et pas qu'un peu. A croire que Vargas a cherché à faire un discret hommage au commissaire Maigret. D'ailleurs, c'était à prévoir vu le titre qui, s'il ne met pas vraiment en appétit, annonce tout de même la carte par le menu.

L'histoire se déroule en Bretagne et plus exactement dans la région de Combourg, où vit ma propre sœur. Ça n'a aucune importance, me direz-vous, sauf que je sais de source sure (mon beau-frère) qu'il n'y a pas de casino à Combourg et que je ne comprends pas qu'un tel détail ait échappé à Vargas. On cherchera en vain Louviec sur la carte de l'Ille-et-Vilaine : Vargas l'a inventé de toutes ces pièces qu'elle a collectées dans son propre cabinet de curiosités au rayon « Bretagne de toujours ». On a beau être dans la partie gallo de la province, les villageois du roman portent quasiment tous des noms bretons pure souche, mais qui proviennent de l'autre partie de la Bretagne, la partie celte où fleurissent les Le Bihan et les Kervarec. Bon, mais c'est pas très grave. Le roman est bien ficelé comme d'habitude, pas franchement vraisemblable (mais les tueurs en série sont il est vrai invraisemblables et c'est tant mieux!) mais cohérent et donc logique (les tueurs en série le sont aussi et c'est tant mieux : ça permet aux profilers de les retrouver). Il manque juste un raccord (au niveau d'un lointain sauvetage en rivière) qu'Adamsberg n'exhume pas lors de son magistral récit démonstratif digne d'Hercule Poirot. Tout à la fin, Vargas fait d'ailleurs dire au vieux Lucio s'adressant à Adamsberg : « T'as creusé loin ». A moins que ça ne soit un clin de l'auteure à sa propre intrigue policière on ne peut plus tarabiscotée.

Hormis les crapules qui me font penser que ma sœur court de gros risques dans cet environnement de gangsters sans foi ni loi, les personnages locaux sont attachants, même les flics, gendarmes et PJ confondus. Y a même un garde du corps quasiment non-spéciste en recherche d'authenticité. On pourrait trouver que Vargas fantasme un peu trop sa « police personnelle ». Sauf que dès qu'on remonte dans la hiérarchie, l'auteure nous dégote quelques salopards incompétents et cyniques. Les plus lâches sont sans conteste ceux de tout en haut, les voix du ministère de l'intérieur, et Adamsberg leur réserve un chien de sa chienne : une égratignure au passage qui ne dériderait certainement pas le cul de poule buccal de Darmanin.

On a attendu six ans depuis « Quand sort la Recluse », ce qui personnellement me va très bien. J'ai l'impression de perdre mon temps en lisant des romans et encore plus des romans policiers. Là, je me suis sans conteste égaré quelques heures mais avec Adamsberg, on ne s'ennuie pas, et comme j'étais, ce qu'il est convenu d'appeler, en vacances, je ne me sens pas plus coupable que... ah merde, j'allais vous spolier le truc.


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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