Mode sombre

N'aie pas peur ; entre dans le néoïsme !

À bien des égards, nous sommes tous coincés dans la matrice. Et nous sommes toutes, des échos, d’échos, comme des pulsations, le long de la colonne vertébrale du temps, à la recherche d'une issue. Et nous sommes tous des échos d'échos, comme des ondelettes qui se propagent à travers l'espace, à la recherche d'un sens à donner à notre existence. Au siècle dernier, j'ai regardé Matrix sous datura, mais cela ne m'a fait aucun effet. A l'aube de ce nouveau millénaire mon chien s'appelait Neo et quelques années plus tard, en 2002, je commençais mon premier projet collectif "Neo Sanguine" par l'envoi de 6 CDR de mes samples à 9 compositeurs, afin d'étudier la façon dont une source unique peut être interprétée.



J'aurais pu remarquer le néoïsme, en fouillant autour du lettrisme et des situationnistes, mais si je me souviens bien, je l'ai découvert à cette époque, en même temps que le Plunderphonic (désolé l'article n'existe même pas en fr) et les hors-la-loi du son (encore désolé la version sous-titrée en français a été supprimée de Youtube). Les morceaux de l'album de Multiple Personality 3 que je développais étaient franchement transgressifs par rapport aux autres morceaux du groupe. J'utilisais une technique d'accélération qui leur donnait un son proche de celui de Neu!, technique que j'avais d'ailleurs utilisée pour les deux premiers morceaux de Neo Sanguine, j'ai donc choisi d'intituler cet album "Neoism".



Surtout parce que j'avais du lire que Monty Cantsin avait dit que n'importe qui pouvait utiliser le néoisme et devenir Monty Cantsin et cela faisait aussi écho à la présentation de mon projet solo CorteX, disant que n'importe qui peut se nommer ainsi, en particulier s'il en garde l'esprit. Et cerise sur le gâteau que c'était tout a fait en phase des idées promulguées par l'obscure licence C Reaction, que j'avais mis en place en réaction aux licences Creative Commons, même si depuis par souci de modérer ma radicalité je l'ai un peu abandonnée.

Une chaîne d'échos, chaque écho laisse une empreinte dans le passé comme dans le futur... Chaque fois que je trouve une source intéressante mais méconnue j'essaie de l'intégrer dans mes créations, pour permettre à d'autres de la retrouver, de s'y connecter.

Comme beaucoup, je suis contre tout "isme". Cependant comme beaucoup, je n'ai pas qu'une facette. De versatile à subversif, il n'y a qu'un pas que je franchis avec joie. Ça veut dire que je sais que même si l'on peux refuser les "ismes", on ne peut éviter leur création... A moins d'éliminer les fanatiques en tout genre, par l'éducation par exemple. D'ailleurs toutes les cultures souterraines savent qu’elles constituent une étape vers le new normal : l'académisme. Comme beaucoup, j'ai une sainte horreur des étiquettes, alors pourquoi l'affirmer ? Vive le néoisme ! Je suis Monty Cantsin jusqu'au bout des ongles. Car à la différence de ceux qui excluent à cause de la peur de l'inconnu, je refuse les étiquettes en connaissance de cause. Et se coller l'étiquette de néoiste nous en apprend beaucoup sur les « ismes »... Fais-en l’expérience et tu comprendras. De toute façon, si je m'analyse, même en me cachant sous le masque d'un dangereux erroriste, je ne pourrais difficilement nier être terriblement néoiste. Ayant passé toute ma vie à essayer de faire sortir de l'inconscient collectif des fruits jamais entendus sur terre. En plus d'essayer de faire entrer dans l'inconscient des fruits jamais entendus sur terre. Il me semble qu'à l'opposé de la pensée binaire et linéaire, il y a la dialectique, qui à travers l'interaction, sans craindre les paradoxes, touche à une autre dimension, que le néoisme traverse allégrement en inventant des réponses multiples, pour chaque question... Je ne développe pas, mais toute personne qui a navigué jusqu'aux confins de la folie, sait que l'on y trouve la sagesse et vice et versa. Le fait est que le néoisme n'est pas une pensée asservie par la raison.
Le fait est que le néoisme n’est pas de l’art, il n’est pas réalisé par un artiste ou par ses ouvriers, ce n’est pas quelque chose créé pour être un placement financier ou être enterré dans un des musées des fantômes de l'élite des nécrophages. Le néoïsme, c'est l'action, c'est tout qui change tout à l'intérieur et à l'extérieur. Tout mettre en mouvement. C'est ce que je vois quand je me penche sur ma fenêtre virtuelle et que je regarde la formidable vie d'Istvan Kantor. De même, il y a des années, à mon échelle, j'étais sur le toit de la maison du peuple à Saint-Nazaire, en train de jouer un concert sans public avec un ami, pour dire au revoir à l'immeuble qui accueillait toutes les associations avant d'être détruit pour être remplacé par un centre commercial. Par un maire qui voulait laisser une empreinte dans l'air du temps... Le néoisme, c'est être soi-même, tout en n'étant jamais le même, rester une singularité dans un système juste bon à cloner ad æternam le pire de l'humanité.

La disruption des Intelligences Artificielles nous pousse à chercher le sens de créer. L'intention semble louable, mais c'est à mourir de rire* quand on voit qu'en début octobre 2023 un collectif appelle à refuser tout recours à l’I.A. dans la littérature, le cinéma ou les jeux vidéo, alors que l'I.A. Firefly d'Adobe vient d'être intégrée cet été à Photoshop. Dans ce cas, il aurait fallu refuser les outils numériques à l'époque où la norme est devenue pour la majorité des photos qu'elles soient retouchées numériquement. Cela n'a aucun sens, car il s'agit d'outils. Pour rappel les photos étaient déjà retouchées lors du développement. C'est juste comme dans l'exemple de la peinture. Plus que toute autre forme de création, j'adore peindre, mais je le fais bien moins souvent, car je prendrais des heures pour créer ce qui me prend quelques dizaines de minutes avec un logiciel du type de Photoshop. Et désormais on peut le créer en quelques minutes avec l'aide des I.A. Le problème est plus le temps, et particulièrement ce que la société productiviste capitaliste en a fait. La façon dont sa folie a déteint sur nous et fait de nous ses esclaves. Ce n'est pas surprenant qu'il faille sortir de la logique de production pour lutter contre le cataclysme climatique. Et sortir de la logique de production pour éviter la destruction de la culture. Vu que ce qui est le plus problématique, c'est que la percée des I.A. est ce qui ressemble le plus à la bête de l'apocalypse ! Pour la raison que l'on devrait se soucier avant toute chose de limiter notre utilisation de l’énergie, décroissance et sobriété, alors que les I.A. sont des gouffres énergétiques. En  plus de l'apprentissage, chaque requête dépense de l’électricité et de l'eau, sans compter pour l'image et le son le transfert et le stockage des nouvelles données générées... Il conviendrait par exemple de ne les utiliser que dans le cas où des moyens moins énergivores, tel l'usage d'un moteur de recherche traditionnel ne suffisent pas. Et là où on voit à quel point elles sont développées sans la moindre conscience humaine, c'est que quand on analyse 5 minutes l'usage que l'on fait des I.A. de chat, il est absolument insensé qu'il n'y ait pas, genre 3 boutons, réponse courte, moyenne ou complète, afin d'éviter que pour chaque réponse courte il faille deux requêtes, une longue et une précisant de faire plus concis ! A l'échelle de millions de requête c'est impensable que leurs créateurs passent à côté de quelque chose d'aussi fondamental, et ce n'est qu'un exemple. Cette problématique se préfigurait déjà avec le développement de la qualité des capteurs audio et vidéo  et la création de quantités exponentielles de datas qui nécessitaient toujours plus de capacité de stockage et dans ce cas pour la circulation d'images lors de navigation internet au lieu d'être à des résolutions trop élevées pour bien faire le terminal qui l’émet devrait la convertir en amont (un peu à la façon dont Youtube adapte la qualité vidéo à la bande passante de l'utilisateur). Pour rendre cette prise de conscience plus explicite, à une époque pas si lointaine, quand je participais à une compilation, je ne me souciais pas de la taille du morceau. Maintenant, c'est souvent que j'essaie qu'il ne soit pas trop long ou je propose même une version plus courte, pour laisser de la place aux autres. C'est cette logique de s'adapter pour vivre dans un monde aux ressources finies. Certains adeptes du transhumanisme s'imaginent que la fuite en avant permettrait d'évoluer dans un système infini, cela peut se défendre, mais il faudrait déjà pour ça pouvoir déplacer des milliards d'habitants ou sinon, le dire dès le départ, acter que ce système "infini" n'existerait qu'en exterminant une grande partie de la population. C'est d'ailleurs similaire au mensonge de base des politiciens qui flattent leur public, sans jamais essayer de trouver des solutions qui prennent en compte l'ensemble de la population. Ils fonctionnent comme si la partie de cette population qui pense différemment d'eux doit être éliminée, qu'il le fasse de façon systématique comme dans le cas de la fracture technologique béante, où ils ne laissent pas d'alternatives humaine pour accéder aux services de l'état et marginalise encore plus les technophobes au lieu d'être dans une logique d'inclusion comme pour le handicap physique et psychique. Mon dieu, à tirer sur le fil, je me suis encore égaré.

On peut comprendre que les artistes en soient restés au stade de montrer leurs selles à leurs parents, ou toute personne jouant le rôle de l'autorité. Qu'ils veuillent crâner avec leur couronne de laurier et accrocher leur petite médaille qui ne sert a rien. Mais celles et ceux qui sont en dehors de l'art marchand, qu'en est-il de leurs motivations ? Qu'est ce que cela a à nous apprendre sur le sens de la vie ?  Quoi qu'il en soit, je ne suis pas là pour vous apprendre quelque chose que vous pouvez deviner par vous-même. Les paroles de cet album proviennent donc du "Book of Neoism" d'Istvan Kantor (2018) et ont été interprétées par lui-même au Mersz Club accompagné au violon par Parnitzky Ede, durant la performance du Putsch, le 23 Octobre 2019 à Budapest en Hongrie. J’ai fait un peu muter la session originale et j'ai créé des morceaux intermédiaires. Dédié à tous les amoureux du néoisme, qui continueront à agir réellement, au lieu de simuler... l'art.



*Ils auraient bien meilleur temps de s'offusquer de l'entourloupe terrible qu'ont réalisée les entreprises qui développent les IA en lançant l'utilisation publique de la génération d'image à partir d'un deep learning sans autorisation, consistant à piller les œuvres des artistes présentes sur internet. Car leur stratégie était d'acquérir sans aucune contrainte de droit des quantités massives de data (pour éviter un surcoût astronomique) et désormais les œuvres générées à partir des data volées pourront servir de sources "non copyrightées" pour le deep learning. Si la stratégie est aussi évidente à mes yeux, c'est que pour le son, pendant des années, j'ai employé une stratégie très proche de flood, en récupérant des musiques copyrightées passées à des fréquences différentes ou transformées jusqu'à un point ou elles sont méconnaissables, pour ensuite les proposer sous Creative Commons, pour que d'autres œuvres en soient issues. Le principal intérêt de cette manœuvre de piratage culturel étant de refuser, à la façon du plunderphonic, des lois qui nieraient le droit fondamental de répondre à tout ce qui est injecté dans la sphère publique. Est-ce que je l'ai vraiment fait ? Peu importe, mon humour tordu me perdra, le point est qu'on peut dire que je suis innocent, de la même façon que l'usager qui demande dans son prompt à une I.A. de lui créer une œuvre à la façon d'Enki Bilal. S'il y avait des coupables ce seraient les concepteurs du logiciel ou plus exactement la firme qui les emploie et sait très bien pour quoi leur produit va être utilisé. De plus, si je l'ai fait, d'une certaine façon, c'était comme du deep learning afin d'étudier les matières sonores, pour permettre qu'aujourd'hui je n'utilise plus de sample, en tous cas digital. Et par dessus tout je n'en ai jamais tiré profit contrairement à ces entreprises.

C'est la seconde partie d'une trilogie coopérative, le premier épisode est ici https://archive.org/details/psy-shepherd-x-ethnomite-pux-x-invisible-illusion-the-desert-ears
L'album est disponible en téléchargement gratuit en Wav et MP3 ici https://archive.org/details/MERSZ-Klub-PUTSCH-Monty-Cantsin-Parniczky-Ede-Invisible-Illusion 

 


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À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


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