Mode sombre

Gabriel (NDLR : ce n'est pas le véritable nom d’Édouard, notre témoin qui a préféré garder l'anonymat) n'est pas une forte tête, plutôt taiseux même, pas bête du tout, très capable à l'école dans toutes les matières, avec un comportement généralement sensé et réfléchi, mais, il le reconnaît lui-même : il a un peu fait le con au lycée général. Alors pendant ses vacances d'été, il y a un an alors qu'il était encore mineur, ses parents l'ont inscrit d'office et contre son gré à un stage au Service National Universel. 12 jours dans un lycée agricole dans le centre de la France, tous frais payés, voyage y compris. « On était à peu près 120, filles et garçons, dans un internat. Quand on arrive, on est trié par maisonnée, il y en a huit, et des couleurs, orange et bleu. Moi, j'étais orange maisonnée 4. Après, on part trouver des chambres, là où il y a de la place, par petits groupes. » Habillés de pied en cap, polo, pantalon et casquette, aux frais de la République, sans compter la nourriture plutôt bonne. Rien à redire là-dessus. Et c'est donc quoi, une journée typique ? « On nous réveille à 6h00. On déjeune avec une barre de céréales, après on court quatre kilomètres, je crois. Puis, c'est la douche. Et la montée des couleurs avec Marseillaise et garde à vous, rangés par maisonnée. Petit déjeuner et on a des activités pendant la matinée. Y a souvent des militaires qui viennent, tous les corps d'armée défilent. L'après-midi, y a souvent des trucs un peu utiles. On a nettoyé un cimetière, on a fait de la sécurité routière. Mais la plupart des gens qui étaient là-bas, eux, ils étaient pas forcés, ça, je ne m'y attendais pas du tout. C'était des gens qui voulaient devenir militaires. Moi, ils ont vu que c'était pas trop mon délire. Je leur ai dit que j'étais forcé de venir, parce qu'ils demandent pourquoi on est là. Moi, c'était plus pour sociabiliser, pour me faire des potes. Le soir, on fait souvent une activité sportive. Y avait aussi un amphithéâtre où on faisait des jeux ensemble. » Finalement, l’expérience n'a pas été trop négative pour Gabriel. « Ils essayent de nous mettre de la discipline comme le réveil tôt, la levée des couleurs. Un jour, ils nous ont réveillés à 6h00 comme une journée normale et vers 22h00, ils nous ont dit : vous allez marcher. Et on a fait une randonnée, je crois que c'était 25 kilomètres, toute la nuit. » C'est là vie d'château, pourvu qu'ça dure ! « Au 14 juillet, on est allé parader en ville. C'était chaud. En plein été. Y en avait beaucoup qui tombaient. Je crois qu'il y en a eu douze qui ont fait des malaises. Ça commençait à être un peu chaud. » Martial, sportif, garçons et filles au même régime, on pousse un peu les jeunes à se bouger et à obéir, à respecter les horaires, à marcher en rang. Le point positif, c'est finalement ce pourquoi Gabriel était venu : « Je me suis fait pas mal d'amis. » Le point négatif, c'était l'aspect information obligatoire : « Moi, ça ne m'intéressait pas du tout. Ils expliquaient pourquoi devenir militaire, la Marine et tout ça. Ce que j'ai trouvé bizarre, c'est que tout le monde voulait aller à l'armée. Le SNU, c'est 12 jours. Après, il y a la MIG, mission d'intérêt général, tu peux faire Restos du cœur ou police par exemple. Ils nous ont dit que c'était obligatoire, alors que c'est pas obligatoire : ça, j'ai trouvé ça bizarre aussi. Ils forcent un peu à faire les choses. Moi, j'ai pas fait de MIG, j'étais le seul à ne pas vouloir en faire. » Gabriel s'est donc senti un peu manipulé et de la part de ses parents, il l'a pris comme une mesure disciplinaire, pas totalement arbitraire tout de même. Au final, cette petite expérience lui aura permis d'affûter son esprit critique : il a vu les failles du SNU, ses objectifs réels, et même s'il a préféré garder l'anonymat, Édouard était volontaire pour témoigner de son expérience.

Capitaine Maroilles.


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