Mode sombre

Pendant des années, je ne fêtais pas Noël. Parce que c'est une fête qui a été mise en place pour masquer celle de Yule. Parce que j'aime faire des cadeaux toute l'année, parce que j'aime les fabriquer plutôt que les acheter, parce que je n'aime pas me faire dicter ma bonne conduite, parce que l'amour ne s'achète pas. Sans parler de l’indécence de l'opulence et des chambres qui dégorgent de jouets. Aujourd'hui, je suis rentré dans le rang, c'est compliqué de faire des choix de vie radicaux sans que cela ne soit subi par nos proches. Je me suis adapté, je collecte des cadeaux toute l'année et je ne les donne qu'à cette maudite date… en théorie. En réalité, je n'arrive pas à m'empêcher de faire des exceptions. Et ma compagne à l'écoute du problème a trouvé comme solution, de faire plutôt des cadeaux non matériels, comme des voyages ou des sorties culturelles. Alors pour me consoler, chaque fois que j'en ai l'occasion, je rappelle aux enfants qui croient au père Noël, que ses lutins dans leurs ateliers, ne sont autres que des enfants forcés de travailler.
En parlant d'indécence, à Halloween, j'ai trouvé cela particulièrement horrible que des enfants se déguisent en zombies pendant que des enfants palestiniens agonisaient. A Noël, ne devrait-on pas célébrer la paix dans le monde comme le chantaient les Poppys en 70 ? Hélas, il y a une épidémie d’apprentis-dictateurs et ils n'ont aucune intention de nous épargner leurs horreurs.
Depuis le 14 novembre 2023, ce qui faisait office de sous-revenu universel, le RSA, a été pulvérisé. On peut croire, que c'est avant tout, pour fournir de la main d’œuvre pour des jobs de merde. Cela me semble surtout avoir été mis en place pour endiguer la tendance à résister au système.À trouver du sens en dehors de la servitude volontaire. À expérimenter d'autres formes de vie compatibles avec les impératifs écologiques de notre époque. La décroissance et la sobriété : vivre en étant conscient. 
Le bénévolat est de part sa définition un choix personnel. Mais quel bénévolat restera-t-il possible dès 2024 ? Pour donner de son temps, il faut avoir du temps. Il est vrai que ce temps est un concept plutôt souple, qui se calque sur notre bon vouloir, mais à condition de ne pas être réduit à peau de chagrin. Quand on parle de lutte politique, il y a toujours une bonne âme, à l’instar de ma personne pour expliquer que tous les moyens sont bons, que les formes d'actions sont complémentaires, qu’il est aussi important de construire un nouveau monde, développer des alternatives, que détruire l'ancien monde, empêcher ses nuisances. 
Ce gouvernement abjecte a donc trouvé comment couper la source d'énergie qui irrigue, ou devrais-je dire, qui irriguait les réseaux d'alternatives non marchandes. Retirer la soupape de sécurité sociale, cela peut sembler un pari assez fou, tabler sur le fait que le manque de temps empêchera la marmite de sauter. A moins que ce ne soit la bonne fée McKinsey qui lui ait soufflé ? 
Car même si l'analogie semble sans équivoque, la fabrique d'un ennemi intérieur, on l’a vu avec les Gilets Jaunes ou avec les Soulèvements de la Terre, cela participe au mécanisme qui permet de faire croire que le gouvernement n'est pas inutile, que son chef est le bon père de la nation : il travaille. A l’intérêt commun ? Sûrement pas. A asseoir sa domination, oui, c’est la règle du jeu patriarcal. Des deux cotés de la loi, ce sont les mafias qui s'empiffrent sur notre dos. L'arrivée au pouvoir en Argentine de Javier Milei est sidérante : comment ce type d’anarcho-capitalisme peut-il être vendu à celles et ceux qui bénéficient des services de l'État ? Peut-être qu'il suffit juste que celui-ci soit suffisamment démantelé, que les niveaux de corruption et de propagande aient dépassé les bornes, que le détournement des fonds publics et le sabotage des services publics aient achevé de le transformer en une enveloppe vidée de sens. 
Imaginons un Père Noël, que l'on engraisse toute l'année de notre dur labeur d'enfant, et qui, au jour J délivrerait ses jouets par milliers, uniquement à quelques privilégiés : ceux qui ont été sages. Je crois qu'on préférerait ne pas l’avoir ce père-là.
Robot Meyrat.

 


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À propos de l'auteur(e) :

Robot Meyrat

Éternel débutant, Chercheur de singularités, Créateur de chimères, Expérimentateur d’inédits. Inscrit dès la naissance à l’école de la Vie. Il m’arrive d’être drôle à mon insu. Je suis mon chemin. Résister au courant principal jusqu’à la Mort et au-delà.


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