Mode sombre

Pour commencer, il y a les mots que je n'aime pas. 

Des mots vides, utilisés ad nauseam par les marketeux, les politiciens et un certain journalisme. Les mots d'Elon Musk, de Macron et de TF1. En voici une liste non exhaustive : 

- impacter 

- décryptage 

- la « grogne » (des manifestants) 

- condamne fermement 

- croissance 

- bienveillance 

- réforme juste (notez que la réforme est toujours juste) 

Les mots creux qui sonnent intelligents dans la bouche des coachs en bien-être, des chamans de Seine-Maritime et des dérapeuthes en tout genre, et qui servent le libéralisme le plus vulgaire : 

- estime de soi
- énergie
- chakras (qu'il convient de garder ouverts)
- résilience
- pervers narcissique
- Idriss Aberkane
Ajoutez les mots récents que je ne comprends pas, comme skeu et quoicoubeh. 

Et puis il y a les mots que j'aime. 

Des mots simples, qui évoquent une courbe, des couleurs, un paysage – montagne, cime, combe – et qu'on prononce avec émotion, le cœur porté par une image puissante. 

Les mots obèses, excroissances de nos prénoms : bain-marie, fesse-mathieu, Gros-Jean comme devant. 

Les mots de minuit et demi sur France Culture : ontologique, heuristique, soufisme. Freudo- marxisme. 

Les mots de la liturgie chrétienne, généreuse en jolis petits bibelots d'apparence inutiles : eucharistie, chrisme, assomption, dormition. 

Les gros mots : con, connard et toutes ses déclinaisons. 

Les noms des structures algébriques, de la plus rudimentaire à la plus riche : magma, monoïde, groupe, anneau, corps. 

Le mot turlutte. 

Les cris des oiseaux : cancaner, glouglotter, zinzinuler, caracouler, dodeldirer. 

Les adjectifs qu'on colle aux nombres : pairs, impairs, entiers, décimaux, irrationnels, complexes, transcendants, univers, palindromes, vampires. 

Les onomatopées : zou, bam, pif et patatra.
Ajoutez enfin les mots récents qui énervent les vieux ringards comme moi : skeu et quoicoubeh. 

Mathieu Maysonnave.

 

Quoicoubeh?

Comme les lecteurs de Libres Commères ne sont pas tous sur TikTok, loin s’en faut, voici le sens approximatif de skeu et de quoicoubeh. Pour skeu, je vous renvoie à la chanson de Jogga, Wilsko et 7ia. Pas de jugement de valeur sur le titre, la musique ou les paroles (niveau A2 en FLE). On va rester factuel. Skeu skeu, ça ne veut rien dire et du coup, c’est comme du coup, on peut le dire n’importe quand. Wesh! Perso, j’aimais bien wassup ! C’était en 2000 et avec mes mômes, on s’éclatait. Pour quoicoubeh, ça vient toujours de chez les djeunz. Vous dites n’importe quoi vu que l’objectif, c’est de faire dire Quoi? à votre interlocuteur et dès qu’il tombe dans le piège, vous gueulez QUOICOUBEH! avec l’accent comme vous le sentez! (NDLR: service: Coup A; retour gagnant: coup B). On doit cette pépite de la fonction phatique du langage à un certain Camskolavache, encore un héros de TikTok. Dans les années 80, j’avais une copine, aujourd’hui docteur es lettres, qui, lorsque je décrochais le téléphone en disant « Allo? » répondait invariablement « à l’huile! » en éclatant de rire. C’était du même niveau et on était déjà à Bac + 3, alors vous savez quoi? QUOICOUBEH! 

Inès Thétik.


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