Mode sombre

Les élections européennes approchent et les Français se passionnent déjà pour ce scrutin : Nathalie Loiseau va-t-elle de nouveau être tête de liste  Renaissance ? Nadine Morano va-t-elle rempiler pour un troisième mandat  ? Raphaël Glucksmann va-t-il abandonner son poste de député européen pour aller se battre dans les tranchées ukrainiennes  ? 

Non, évidemment, ce n’est pas vrai et cette élection n’intéresse personne à part les médias et ceux qui s’y portent candidats. Avec 57,6  % d’abstention en 2014 et 49,88  % en 2019, les Français ont bien dû sentir que ce n’est pas avec le Parlement européen qu’ils vont bousculer l’ordre établi. Et ils ont bien raison. Voyons pourquoi le Parlement européen est une énorme usine à gaz, coûteuse et inutile. 

Si le Parlement européen est la seul institution européenne dont les membres sont élus au suffrage universel direct, ses marges de manœuvre sont extrêmement réduites. En effet, le gros de la politique économique de l’Union européenne est déjà fixée dans les traités européens*. C’est comme si la politique économique de la France était inscrite dans la Constitution. Pour prendre un exemple, l’article 106** du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) impose, de fait, la mise en concurrence de tous nos services publics. D’autres articles figent la politique monétaire, la libre circulation des capitaux ou notre subordination à l’OTAN. 

Or le Parlement européen n’a pas le pouvoir de modifier ces traités*. Pour changer ne serait-ce qu’une virgule des traités européens, il faut l’unanimité des 27 États membres. Donc si Chypre, seule, souhaite mettre son veto c’est possible (ce n’est bien sûr qu’un exemple, je ne suis pas chypriophobe). 

Le Parlement européen ne peut en fait se prononcer uniquement sur 85 sujets bien définis (par les traités*, bien-sûr), comme les transports, l’environnement ou le numérique. Mais contrairement à un parlement classique, il y a une restriction de taille  : le Parlement européen n’a pas l’initiative des loi (appelées directives ou règlements). Seule la Commission européenne*** a le monopole de l’initiative pour proposer une loi. Le Parlement européen a uniquement la possibilité d’amender et de voter cette loi. Si le Parlement souhaite une loi sur un sujet qui lui tient à cœur, il ne peut que supplier la Commission, mais celle-ci peut donc parfaitement refuser d’initier cette directive. 

Et même quand le Parlement modifie et se met d’accord sur une directive (proposée par la Commission donc), il n’a pas le dernier mot. Il doit se mettre d’accord avec le Conseil de l’Union européenne, c’est à dire l’ensemble des ministres des États membres concernés par le projet de directive. Si les deux instances ne votent pas exactement le même texte, la directive ne peut pas être adoptée. Alors que, encore une fois, dans n’importe quel parlement classique les députés ont évidemment le dernier mot.

Donc durant cette palpitante campagne européenne qui s’annonce, vous saurez désormais que même si le RN remportait 100  % des voix, il ne pourrait pas mettre en place son «  Europe des nations libres », ou que même si, dans un autre cas de figure, le PS remportait 100  % des voix****, il ne concrétiserait jamais son projet de « protectionnisme écologique européen ». 

Pour conclure, soit ces gens vous mentent, soit, pire, ils ne connaissent pas le fonctionnement des institutions dont ils prétendent vouloir devenir membres (grassement payés 16 740 € nets par mois, rappelons-le). 

Léandre.

* Vous savez, ce truc pour lequel les Français ont voté NON en 2005.

** Extrait  : « Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus (concurrence). »

*** Pour schématiser, le gouvernement de l’U.E. Elle n’est pas élue mais désignée à huit clos par les chefs d’État européens.

**** LOL


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À propos de l'auteur(e) :

Léandre

Néo-dolois radicalisé. Je dessine des personnages avec des gros yeux.


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