Mode sombre

L’entrée des époux Manouchian sous la coupole du Panthéon nous a récemment rappelé que la porte en reste toujours ouverte. Depuis que le mausolée national existe quelque 82 personnalités y sont entrées les pieds devant mais jamais de leur vivant… à moins que Michel Sardou… mais non ! Soyons magnanimes.

Aux côtés de grands noms comme Bougainville, Braille, Condorcet, Curie (elle et lui), Hugo, Jaurès, Moulin, Rousseau, Voltaire, Zola, reposent de toutes petites pointures avec des noms à coucher dehors comme Louis Charles Vincent Le Blond de Saint-Hilaire ou Jean-Marie-Pierre-François Le Paige d’Orsenne, des militaires qu’on aurait mieux fait de… mais non ! Soyons magnanimes.

Ce qu’on sait moins, c’est qu’ils sont quatre pour l’instant à avoir passé la porte dans les deux sens. Une fois pour entrer en grandes pompes, une deuxième pour ressortir à coups de pompes. Je passerai sur les dépouilles de Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau et d’Auguste Marie Henri Picot de Dampierre qui mériteraient plus qu’une boutade mais bon, ben, voilà, quoi ! Quant à Mirabeau, politicien interlope, il est poussé vers la sortie et la fosse commune par Jean-Paul Marat, l’Ami du Peuple, un vrai révolutionnaire que Charlotte Corday va poignarder dans son bain. Martyr de la Révolution, Marat est panthéonisé le 21 septembre 1794 et ressort du caveau républicain le 8 février de l’année suivante. C’est môche mais c’est loin et il me semble que le moment est venu de faire un pareil sort à un autre politicien amphibie, ce Jean Monnet dont le général de Gaulle se méfiait comme de la Maison Blanche et qu’il qualifiait de petit banquier de Wall Street (c’est moi qui ajoute petit). Le général et moi n’avons pas beaucoup de points d’accord en dehors d’une détestation très forte de la bourgeoisie et tout particulièrement la bourgeoisie magouilleuse et financière telle que Monnet la représente si bien. Européiste et atlantiste, Monnet a, en bon sous-marin yankee, largement contribué à mettre la tête de la souveraineté de la France sur le billot de Bruxelles la marchande. 

Vous l’ignorez sans doute, parce que tout le monde s’en fout, mais c’est François Mitterrand qui a fait entrer Jean Monnet au Panthéon en 1988. Une des multiples trahisons de Tonton : introduire dans le temple des élus de la Patrie reconnaissante, un opposant à la Nation souveraine justement puisqu’il s’agissait pour Monnet de reléguer la souveraineté française au second plan au profit de la prospérité d’une oligarchie transnationale. 

Alors ce que je propose, c’est de faire sortir du caveau parisien le traitre à la Nation comme Mirabeau quand on s’est rendu compte qu’il avait comploté avec le roi déchu. Je propose même une petite cérémonie pour marquer le coup. On ne va tout de même pas demander à Asselineau ou Lordon de faire le speech mais je verrais bien un hologramme de Philippe Seguin déclamer avec les trémolos dramatiques d’un Malraux en pleine forme : « Sors d’ici, Jean Monnet ! »


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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