Mode sombre

Quel drôle de titre ! En 2022, l’année Pasteur a consisté à rendre hommage au Saint-Louis de Dole par divers événements et animations, qui personnellement me laissent quelque peu dubitatif… Est-ce que l’organisation du départ du Tour de France à Dole placée sous l’égide du grand homme aura créé parmi notre jeunesse des vocations de scientifiques ? Est-ce que le fait de se remplir le gosier et la panse en son illustre nom et aux frais du contribuable sauvera l’Humanité ? Non, ici, notre idée n’est pas la même.

Bernard nous a fait l’honneur de sa visite à Dole le 14 mars dernier et nous a gratifié de pas moins de trois conférences (soit près de six heures d’intervention sur la même journée sous des angles différents et en tenant compte de nos remarques au fil de la journée : chapeau l’artiste !). C’était très intéressant, stimulant et inspirant, mais que fait-on de tout cela pour que ça ne reste pas qu’une énième conférence laissée sans suite ?

Tout d’abord, sur le strict contenu de ses interventions du 14 mars, il y a largement de quoi faire toute une série d’articles revenant en détail sur les idées développées. En vrac : analyse des acteurs et des étapes de la production en régime capitaliste, le capitalisme comme religion d’un État soi-disant intraitable sur la laïcité, crédit/endettement et alternative en terme d’avance monétaire, le Travail comme angle mort de la question démocratique, la subordination comme préalable au salaire capitaliste et l’émancipation comme conséquence de son alternative communiste, rôle de l’école dans l’avènement de la démocratie au Travail ou le maintien dans l’aliénation actuelle, validation sociale de la production, lien entre capitalisme, colonialisme, racisme et montée de l’extrême-droite, histoire et anatomie des institutions du Travail conquises par la classe ouvrière, critique de la rhétorique de l’insertion professionnelle, examen des possibilité de mise en Sécurité sociale de pans cruciaux de nos existences, impasse écologique funeste du capitalisme et perspectives d’avenir du communisme, mise sous tutelle de la Sécu par l’État par la fiscalisation de ses ressources contre la cotisation sociale, parenté entre social-démocratie et stalinisme, concepts de Travail abstrait et de Travail concret, le pouvoir de la bourgeoisie sur le Travail comme cœur de son hégémonie sur la société, critiques de nos croyances, pratiques et cultures militantes (pôle public de crédit, bonne fiscalité, emploi, contrat de travail, séparation du syndicalisme et de la politique, solidarité avec des victimes, etc.), différence radicale entre les propositions de type “revenu de base” et le salaire à la qualification personnelle de 18 ans jusqu’à la mort, enrichissement de la citoyenneté de nouveaux droits politiques sur le Travail… On voit qu’il y a déjà pas mal de boulot avec tout ça, et cette liste n’est pas exhaustive.

Peut-être certains de ces thèmes (voire tous ?!) pourront sembler trop théoriques et complexes pour pouvoir servir à autre chose que discuter entre intellectuels et spécialistes. Mais ils renferment des pistes importantes pour nous permettre de sortir des ornières idéologiques et militantes dans lesquelles nous nous embourbons depuis des lustres. À nous de tâcher de les rendre intelligibles et mobilisables par chacun d’entre nous par un patient et sérieux travail d’éducation populaire.

Pour cela, nous pourrons compter sur notre “déjà-là” local (clin d’œil à cette fameuse expression de Bernard) : nos organisations militantes, lieux et événements locaux.

Mais sans doute serait-il pertinent et souhaitable d’aller plus loin en créant – enfin – une antenne comtoise de Réseau Salariat, l’association d’éducation populaire qui travaille à développer et populariser les thèses de Bernard.

La venue de notre cher ami Bernard nous a incontestablement stimulés voire bousculés. Ne laissons pas retomber cet appétissant et délicieux soufflé. Et fixons-nous comme objectif pour cette année de concrètement tirer le meilleur de ses apports théoriques, de sa foi de pèlerin et de son énergie militante.

Cela étant dit, rien ne nous empêche de lancer en parallèle un financement participatif pour l’achat d’une montgolfière à l’effigie de Bernard Friot pour planer au-dessus de Dole aux côtés de celle de Loulou-le-Marnois, en espérant que celle-là suscitera plus de vocations révolutionnaires que celle-ci n’a spontanément généré de prix Nobel.

Post scriptum : Les personnes intéressées pour être tenues informées des suites données à la venue de Bernard Friot peuvent se signaler auprès de la rédaction de Libres Commères qui transmettra.

 

L.


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